Nez-Percé

Publié le par François Hameau

Nation indienne du nord de l'Oregon et de l'Idaho.

Christianisés depuis le début du XIXè siècle, les Nez-Percés sont les éleveurs des célèbres chevaux apaloosas. Conduits par Chef Joseph, traqués par l’armée, ils vont accomplir l’une des marches vers la liberté parmi les plus héroïques de l’Histoire.

Un peuple pacifique

Les Nez Percés vivaient au nord de l’aire culturelle du Plateau, au centre de l’actuel état d’Idaho et au nord-est de l’Oregon. Les vallées des rivières Snake et Salmon, des affluents de la Columbia, entre les Montagnes Rocheuses et la Chaîne des Cascades, constituaient le cœur de leur territoire.

Les Nez Percés étaient de langue sahaptienne. Leur nom, donné par les Français et utilisé en anglais, vient d’une coutume, seulement suivie par quelques personnes, de porter un coquillage incrusté dans une narine.

Les Nez Percés ne pratiquaient pas l’agriculture, mais leur environnement naturel leur fournissait des cueillettes et des chasses abondantes. La pêche, au saumon en particulier, constituait une grande part de leur alimentation.

Tandis que femmes et enfants cueillaient les baies et les fruits sauvages, ainsi que des racines, les bulbes comestibles des camas, les hommes chassaient le cerf, l’élan, le mouflon ou le lapin. A partir du XVIIIè siècle, ayant acquis le cheval, les Nez Percés lançaient dans les Plaines de l’actuel Montana des expéditions de chasse au bison, entrant ainsi en contact avec les grandes nations indiennes des Plaines du Nord.

Les techniques de pêche des Nez Percés étaient très élaborées. Ils construisaient des plates-formes au dessus de l’eau pour lancer leurs harpons ou déployer leurs filets. Ils poussaient également les poissons vers des enclos où ils les tuaient. Baies, racines, saumon étaient séchés ou fumés et conservés comme provisions d’hiver.

En été, l’habitation traditionnelle des Nez Percés était faite de perches disposées en forme de cône, couvertes de végétaux tressés. Pour l’hiver, des habitations à demi-souterraines étaient recouvertes de matériaux isolants et de terre. Plusieurs familles pouvaient y vivre. Mais quand ils ont disposé du cheval et de peaux de bison, les Nez Percés ont adopté pour l’été le tipi des tribus des Plaines.

Les Nez Percés ne fabriquaient pas de poterie, mais les femmes faisaient de beaux paniers ; certains étaient tressés si serrés qu’ils pouvaient contenir de l’eau et servir à la cuisson des aliments. Pour leurs vêtements, les Nez Percés utilisaient aussi bien l’écorce de cèdre que des peaux de cerf, de daim ou de lapin, ainsi que, plus tardivement la peau de bison. Les femmes confectionnaient des chapeaux de feuilles tressées caractéristiques des nations du Nord-Ouest. Ils avaient adopté des Indiens des Plaines, en particulier de leurs amis les Crows, de nombreux motifs décoratifs qu’ils interprétaient soit par la peinture, soit par la broderie en piquants de porc-épic, ensuite de perles du commerce. L’équipement de leurs chevaux était particulièrement soigné et décoré.

Eleveurs d'apaloosas

Avec l’introduction du cheval au début du XVIIIè siècle, les Nez Percés sont passés de la culture relative pauvre et isolée du Plateau à celle, riche et dynamique, des Indiens des Plaines basée sur la chasse au bison et une grande mobilité. Au début du XIXè siècle, ils étaient devenus des éleveurs de chevaux très réputés, produisant la célèbre race de chevaux "apaloosa".

A l’adolescence, garçons et filles se retirent seuls sur une montagne afin de recevoir une vision qui devra orienter leur vie d’adulte. La spiritualité nez percé a des liens très forts avec les animaux, en particulier l’ours et le loup, dont les esprits guident les êtres humains..

Les Nez Percés sont les ennemis des Shoshones et des Blackfeet leurs redoutables voisins du nord. Ils combattent à l’occasion les Lakotas et les Cheyennes avec lesquels ils commercent cependant. Ils sont les alliés des Palouses, Cayuses et Chinooks, ainsi que des Crows vivant à l’est. Commerçants très actifs, les Nez Percés mettent en relation les tribus des Plaines et de celles des Rocheuses et du Nord-Ouest. Contre leurs célèbres chevaux et leurs beaux paniers, ils échangent des peaux, des canoës, des coquillages, des pierres de silex.

Premiers contacts avec les Blancs

Les premiers contacts des Nez Percés avec les Blancs ont lieu à l’automne 1805 quand l’expédition conduite par Clark et Lewis atteint la Clearwater River avant d’aborder la difficile traversée des Montagnes Rocheuses. Les explorateurs, en proie au dénuement, sont bien reçus par les Nez Percés qui les logent, les nourrissent et leur donnent des embarcations et une escorte de sept guerriers sans lesquels ils n’auraient pu atteindre le territoire des Chinooks chez lesquels ils hivernent.

Des trappeurs, des marchands de fourrures, d’abord Canadiens Français, puis Anglais arrivent bientôt sur le territoire nez percé, avec lesquels les Indiens, qui apprécient beaucoup les marchandises européennes, ont de bonnes relations. Les Nez Percés deviennent pour les Blancs des partenaires commerciaux incontournables.

Des missionnaires convertissent au christianisme une partie de la tribu. Mais en 1836, un missionnaire presbytérien Henry H. Spalding s’installe chez les Nez Percés. Son intransigeance, sa volonté de briser les croyances des Indiens et leur société, les atteintes qu’il porte à leur liberté, les mauvais traitements qu’il inflige aux non convertis, soulèvent la colère d’une majorité de Nez Percés qui l’expulsent de leur territoire.

En 1840, la piste de l’Oregon est ouverte. Les chariots bâchés des pionniers déferlent à travers les Blue Mountains des Nez Percés. Non seulement les immigrants s’installent et font fuir le gibier, mais ils apportent des maladies, variole et rougeole, qui tuent les Indiens par milliers. Chez de nombreux Nez Percés un sentiment anti-chrétien et anti-blanc fait place à l’amitié traditionnelle des Nez Percés envers les nouveaux venus.

Le traité de Walla-Walla (1855)

Au début des années 1850, la pression des colons oblige le gouvernement à limiter le territoire des nations indiennes du territoire de l’Oregon Une ligne de chemin de fer est en projet entre le Minnesota et le Pudget Sound. Isaac I. Stevens, nommé en 1853 gouverneur du territoire de Washington nouvellement créé, est chargé de négocier avec les tribus leur installation sur des réserves afin, selon sa propre expression, "d’éteindre les droits indiens pour chaque acre de terre".

Le traité de Walla-Walla est signé en 1855 entre le gouverneur Stevens et les Nez Percés qui se voient reconnaître une partie de leur territoire. Mais, dès 1860, de nombreux Blancs pénètrent sur le territoire nez percé pour y chercher de l’or ou s’y installer. En 1863, des envoyés du gouvernement conduits par Calvin H. Hale réussissent à convaincre certains chefs chrétiens d’abandonner près de 90% des terres nez percés. Une réserve est assignée aux Nez Percés à Lapwaï en Idaho. Beaucoup de bandes refusent ce qu’elles appellent le "traité des voleurs". L’un des chefs, Old Joseph, bien que chrétien, s’y oppose vigoureusement et continue à vivre en paix dans la vallée de la Wallowa, le cœur du territoire de la tribu. Avant de mourir, en 1871, il fait jurer à ses fils Joseph et Ollicut de ne jamais abandonner les terres de leurs ancêtres.

La pression des colons se fait plus forte sur les terres des Nez Percés. Des éleveurs convoitent la belle vallée de la Wallowa et ses riches pâturages. Au printemps 1877, ordre est donné à tous les Nez Percés de rejoindre Lapwaï. Conscients de la puissance des Blancs, la plupart s’exécutent à contrecœur. Pour éviter une effusion de sang prévisible, Joseph, malgré la promesse faite à son père, se prépare à les rejoindre. Mais de jeunes guerriers du clan du chef White Bird ont voulu, avant de partir, se venger de l’assassinat de leurs parents par des Blancs. Après avoir exécuté plusieurs colons, ils demandent la protection de Chef Joseph. Plutôt que de livrer les coupables et de se soumettre, Chef Joseph et les neuf cents Nez Percés qui le suivent décident de fuir. Ainsi commence l’une des marches vers la liberté parmi les plus héroïques de l’Histoire, la Longue Marche des Nez Percés.

La Longue marche des Nez-Percés (1877)

Le premier accrochage a lieu le 17 juin à White Bird Canyon. Les soldats tirent sur les parlementaires indiens portant un drapeau blanc. Les Indiens ripostent, tuent une trentaine de soldats et s’échappent. Le 11 juillet, c’est la bataille de Clearwater River contre les troupes du général Oliver O. Howard. Les Indiens, conduits par les chefs de guerre Ollicut, Looking Glass, Toohoolhoolzote, White Bird, franchissent les Bitterroot Mountains poursuivis par les soldats du général Howard. Après plusieurs accrochages victorieux, mais terriblement meurtriers, y compris pour leurs femmes et leurs enfants, ils parviennent à repousser les soldats sur la Big Hole River, puis traversent le parc national de Yellowstone. Les Crows ayant refusé de leur donner asile, les chefs nez percés décident de rejoindre au Canada les Sioux de Sitting Bull. Mais les fuyards épuisés, ayant distancé leurs poursuivants, se sont accordé une nuit de repos. Ils sont rejoints dans les Bear Paw Mountains, à moins d’une journée de marche de la frontière, par les soldats du colonel Nelson A. Miles. Environ deux cents Nez-Percés conduits par White Bird parviennent cependant à se réfugier au Canada.

Le 5 octobre, pour épargner les souffrances de son peuple, Chef Joseph accepte de se rendre sur la promesse du général Miles que les siens seront bien traités et pourront rejoindre les autres Nez Percés en Idaho. Dès que les guerriers ont déposé les armes, Miles, sur ordre du général William T. Sherman, fait acheminer les quatre cent trente Nez Percés à Fort Leavenworth, au Kansas, où ils sont gardés comme prisonniers de guerre. Affamés, déprimés, durement touchés par la malaria, les Nez Percés perdent une quarantaine des leurs durant les huit mois de leur détention.

Déportés en Territoire indien

En 1878, ils sont conduits en Territoire Indien sur la réserve ponca où ils sont rejoints par un petit groupe de déportés palouses. Absolument rien n’a été prévu pour leur permettre de vivre. Les survivants des Nez Percés sont en proie à la misère, à la maladie, au désespoir.

En 1885, les Nez Percés sont autorisés à retourner dans l’Ouest. Ils ne sont plus à ce moment que deux cent soixante-huit. Cent dix-huit sont envoyés sur la réserve de Lapwaï où ils rejoignent les Nez Percés qui y vivent depuis 1877. Chef Joseph, avec la plupart des chefs survivants et leurs familles, soit cent cinquante personnes, est assigné à résidence sur la réserve Colville, dans l’Etat de Washington.

En 1893, les terres tribales nez percé sont partagées en propriétés individuelles, conséquence de la loi Dawes. Les terres dites "en surplus" sont vendues à des Blancs. Les Nez Percés tentent difficilement de vivre d’agriculture et d’élevage. La plupart de leurs apaloosas sont morts et la race est près de l’extinction. Des familles, poussées par la misère et le découragement, vendent leurs propriétés.

En 1923, les terres restant entre les mains des Nez Percés ne sont plus que la moitié de ce qu’elles étaient en 1893. Les Nez Percés de Lapwaï élisent un corps exécutif chargé de s’occuper de l’éducation, de la santé et de la justice sur la réserve. En 1926, ils rédigent une constitution tribale que commissaire aux Affaires Indiennes approuve avec quelques modifications.

Aujourd'hui

Les Nez Percés sont divisés entre chrétiens et traditionalistes. La plupart des descendants de ceux qui ont participé à l’épopée de 1877 maintiennent la tradition, se rassemblant dans les montagnes pour prier. Ils ont récemment reconstruit une « longue maison » à Nespelem, Etat de Washington. Les Nez Percés se rassemblent tous les ans pour des pow-wows, des courses de chevaux, des jeux traditionnels et pour célébrer les grands événements de leur histoire.

Le « Nez-Perce Horse ».

Afin d’éviter une trop grande consanguinité parmi le peu d’apaloosas qu’ils possèdent, les Nez-Percés ont acheté en 1995 quatre étalons ahkal-teke, les célèbres chevaux du Turkménistan. En 1996, vingt-quatre poulains sont nés de ce croisement. Ils sont appelés "Nez-Perce Horse".

En 1997, les Nez Percés ont pu racheter une grande partie de la vallée de la Wallowa. Ils ne comptent pas l’habiter, mais y installer le "Refuge Chef Joseph" pour la préservation de la nature.

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