Black Hills
Massif de hautes collines s’étendant sur une partie du Wyoming et du Dakota du Sud
Les Black Hills sont le cœur de la nation Lakota, un haut lieu de sa culture et de sa spiritualité. Annexées par les Blancs en 1877 en violation du traité de Fort Laramie de 1868, elles sont actuellement revendiquées par les nations sioux.
Jusqu’au milieu du XVIIIè siècle, la région des Black Hills est le domaine des Crows et des Kiowas, deux tribus amies. Les Shoshones fréquentent aussi la région. Les années 1750-60 marquent l’arrivée des Sioux-Lakotas dans les Black Hills. Ils en chassent les Crows vers le nord, les Kiowas vers le sud.
« le Cœur de Tout ce qui Est »
La tradition orale des Lakotas affirme qu’ils ont été créés dans les Black Hills, il y a bien longtemps, et que leur arrivée au XVIIIè siècle marque leur retour sur le lieu de leur naissance. Historiquement, on peut en douter, mais il est certain que c’est au contact des Black Hills que s’est construite la culture lakota.
Pour les Lakotas, les Black Hills (Paha Sapa ou He Sapa) sont le centre du monde, "le Cœur de Tout ce qui Est". Il est vrai que les Black Hills sont exactement au centre des Etats-Unis et que vues de l’espace, elles ont la forme d’un cœur très sombre. La plupart des sommets portent les traces de sites cérémoniels remontant à plusieurs milliers d’années. De nombreuses grottes renferment des sépultures, des pictogrammes.
Les Lakotas passaient l’hiver dans les vallées abritées des Black Hills. Au printemps, ils chassaient dans les collines, coupaient de nouvelles perches pour les tipis et les travois et accomplissaient les cérémonies de printemps pour célébrer le renouveau de la terre. Puis ils descendaient dans les plaines pour les premières chasses au bison.
De l'or dans les Black Hills (1874)
Le Traité de Fort Laramie de 1868 avait inclus les Black Hills dans la Grande Réserve Sioux, un territoire protégé de l’invasion des colons. Mais la grave crise que connaît le trésor américain à l’automne 1873 relance les rumeurs de la présence d’or dans les Black Hills. Dans l’été 1874, le général Philip H. Sheridan, envoie le lieutenant-colonel George A. Custer vérifier ces rumeurs et construire un fort.
L’expédition Custer découvre dans les collines d’importants gisements aurifères. La ruée des chercheurs d’or commence. Les Indiens manifestent leur colère, sans toutefois user de violence.
Le gouvernement américain veut négocier une renonciation des Indiens aux Black Hills. Il en offre six millions de dollars. Les Indiens refusent avec indignation. Une des clauses du traité de 1868 prévoit que toute cession de terre doit être approuvée par les trois quarts des hommes des tribus. Des fonctionnaires du gouvernement parcourent la réserve pour recueillir les signatures, mais n’arrivent pas à obtenir plus de 10% des signatures nécessaires.
La Campagne contre les Sioux (1876-1877)
En représailles du refus des Indiens d’abandonner leur terre sacrée, le gouvernement décide, en novembre 1875, d’"envoyer l’armée contre les Indiens qui défient l’autorité du gouvernement .... et de les soumettre à coups de fouet", selon les termes du rapport de l’inspecteur spécial des Affaires Indiennes.
Dès le mois de février 1876, l’armée entre en campagne. En mars, c’est la destruction du camp du chef cheyenne Two Moons sur la Powder River, le 17 juin la victoire des guerriers de Crazy Horse sur la Rosebud River et le 25 juin la défaite de Custer sur les rives de la Little Bighorn River. Malgré leur détermination et leur courage, les Indiens, trop peu nombreux et affaiblis, ne pourront empêcher l’invasion des Black Hills par l’armée et les colons.
Le gouvernement américain accentue sa pression sur les Indiens pour les faire renoncer aux Black Hills. Tandis que la chasse aux Indiens encore libres se poursuit, on encourage officiellement le massacre des bisons afin de les affamer. Les Indiens confinés dans les réserves voient leurs rations supprimées, leurs armes et leurs chevaux confisqués.
Voulant éviter à leur peuple de mourir de faim et voyant les Black Hills déjà perdues, les chefs lakotas et santees finissent par signer l’abandon des Black Hills. Le 28 février 1877, le Congrès des Etats-Unis officialise leur annexion. La signature des chefs arrachée sous la menace n’a aucune valeur juridique, puisque la condition fixée par le traité pour tout abandon de territoire (l’approbation des trois quarts des hommes) n’a jamais été remplie.
Refuser l'indemnité
Les Lakotas et l’ensemble des Sioux ne se sont jamais résignés à la perte des Black Hills. Leur combat se déroule maintenant devant les tribunaux.
En 1977, la commission qui examine les revendications indiennes accorde aux Sioux une indemnité de dix-sept millions et demi de dollars pour la perte des Black Hills. En 1980, la Cour Suprême des Etats-Unis porte l’indemnité à cent cinq millions de dollars. Un référendum tenu en juin parmi les Sioux rejette l’indemnité et réclame le retour des Black Hills à la Nation Sioux. En août, le Conseil de la Grande Nation Sioux refuse l’indemnité, proclamant : "Les Black Hills ne sont pas à vendre ! Nos ancêtres sont morts pour les Black Hills. Nous ne les vendrons jamais !". A leur tour, les conseils tribaux des huit nations sioux refusent l’argent.
En 1985, un projet pour une restitution d’une partie des Black Hills à la Nation Sioux est présenté devant le Congrès américain par le sénateur du New-Jersey, Bill Bradley. Il prévoit de rendre aux Sioux environ 1/7 du massif, uniquement des forêts nationales. Le Congrès repousse la proposition.
En 1989, un second projet est présenté, identique au précédent, mais demandant une indemnité pour les terres restant entre les mains des Blancs. Ce projet, soutenu par le sénateur Martinez de Californie, est également repoussé. Les élus du Dakota du Sud au Congrès s’y sont opposés, car il va sans dire que les habitants blancs du Dakota du Sud sont en grande majorité hostiles à toute restitution de terres aux Sioux.
La position juridique des Sioux est pourtant très forte. Ils ont sur les Black Hills un "titre indigène" résultant d’une occupation longue et continue d’une terre par une tribu, titre reconnu par le droit international. Les Sioux possèdent les Black Hills aux termes du Traité de Fort Laramie de 1868, conclu entre deux nations souveraines et par conséquent soumis au droit international.
Plusieurs sondages effectués dans les années 1990, puis au début des années 2000, montrent qu’une très large majorité des Sioux, en particulier des Lakotas, continue à refuser l’indemnisation et à exiger le retour de la terre. C’est vraiment la revendication de tout un peuple. Il faut souligner que, malgré leur extrême pauvreté, aucune voix ne s’est jamais élevée parmi les Lakotas pour demander le versement de l’indemnité de 1980 qui se monte, avec les intérêts, à plusieurs centaines de millions de dollars. C’est l’un des rares exemples où, dans monde moderne, on voit de l’argent refusé pour des raisons de morale et de dignité.
Restaurer le milieu naturel
Les Black Hills rapportent beaucoup d’argent aux entreprises qui y sont installées. Le Mont Rushmore, où ont été sculptées, dans les années 1930, les célèbres statues géantes de quatre présidents, attire des foules de touristes. Deadwood est la ville des casinos et c’est à Sturgis qu’a lieu tous les ans le plus grand rassemblement de motards du monde. Les états du Dakota du Sud et du Wyoming se partagent les énormes revenus des coupes de bois. Les mines d’or, terriblement polluantes, sont très prospères. Les mines d’uranium, maintenant fermées, ont laissé d’énormes quantités de déchets radioactifs.
Si les Sioux reprenaient le contrôle d’une partie des Black Hills, ils pourraient intervenir dans l’exploitation des forêts et des mines. Ils ont toujours manifesté leur volonté de restaurer le milieu naturel et ils suivent avec attention le plan d’exploitation des Black Hills que l’Office Fédéral des Forêts révise tous les quinze ans.