Blackfeet

Publié le par François Hameau

Blackfeet

Confédération indienne du Montana et de l'Alberta

Le plus nordique des peuples indiens des Plaines, les Blackfeet étaient l’une des plus puissantes nations d’Amérique du Nord. En dépit de leur courageuse résistance, ils ont vu leur vaste territoire peu à peu réduit à une petite réserve au nord du Montana. Leur histoire est marquée par le massacre de Marias River de janvier 1870.

Une puissante confédération

La confédération des Blackfeet se composait de trois nations. Les Blackfoot ou Siksikas, et les Bloods ou Kainahs vivaient au sud de l’Alberta. Les Piegans ou Pikunis occupaient toute la partie nord-ouest de l’actuel Montana.

Le nom "Blackfeet" (Pieds-Noirs) vient vraisemblablement de la couleur de leurs jambières de peau et de leurs mocassins.

Comme les Cheyennes et les Arapahos, les Blackfeet sont de langue algonquienne. Séparés des Algonquins du nord-est probablement au milieu du XVIIè siècle, ils avaient atteint cinquante ans plus tard les Montagnes Rocheuses, repoussant vers l’ouest les Shoshones et les Nez-Percés et combattant les Crows. Ils font la paix avec les Assiniboines, un groupe séparé des Sioux Yanktons.

Les Blackfeet avaient fait alliance avec deux autres nations qui ont été parfois considérées comme faisant partie de leur confédération. Il s’agit les Gros Ventres ou Atsinas, une nation algonquienne vivant au Montana et les Sarcees, un peuple athapascan vivant au nord des Siksikas et qui s’était mis sous leur protection.

Les Blackfeet chassaient le bison à pied, précipitant les bêtes du haut des falaises. Quand ils acquièrent les chevaux vers 1740, certainement des Shoshones, par le troc et la capture, ils s’adaptent rapidement à l’existence nomade des tribus des Plaines du Nord, chassant le bison à cheval, vivant sous des tipis aisément déplaçables.

Les Blackfeet sont connus pour leur bel artisanat, vêtements, armes, outils, brides et selles des chevaux, magnifiquement peints ou brodés de piquants de porc-épic, puis de perles achetées aux Blancs. Les guerriers portent des coiffures caractéristiques dont les plumes d’aigle sont plantées toutes droites.

Au milieu du XIXè siècle, leurs tipis sont parmi les plus grands et les mieux décorés des Plaines. La Danse du Soleil, dans laquelle les femmes jouent un grand rôle, a une grande importance dans leur culture. Les hommes blackfeet sont organisés en sociétés fondées sur les classes d’âge.

Les Blackfeet sont l’une des nations indiennes les plus belliqueuses, en guerre permanente avec toutes les nations qui les entourent. Des explorateurs ont estimé que les trois tribus blackfeet réunissaient environ cinquante mille personnes au début du XIXè siècle, avant que les épidémies et les famines ne les réduisent. Avec leurs alliés Gros Ventres et Sarcees, les Blackfeet formaient l’une des confédérations les plus nombreuses et les plus puissantes d’Amérique du Nord.

Contre l'invasion des Blancs

Quand, en 1805, l’expédition de Lewis et Clark traverse le territoire blackfeet, deux guerriers qui tentaient de voler des fusils sont tués. Bien qu’ils soient plus ou moins engagés dans le commerce de la fourrure, les Blackfeet montrent bientôt de l’hostilité aux trappeurs et aux voyageurs qui s’aventurent sur leur territoire. Dans les années 1830, les éclaireurs Kit Carson et Jim Bridger participent à de multiples affrontements avec les Blackfeet.

Jusque vers 1840, les Blackfeet constituent un obstacle sérieux à l’expansion blanche vers le Nord-Ouest.

En 1836, puis en 1845 et 1857, de terribles épidémies de variole dévastent le peuple blackfeet. Au début des années 1860, on estime que près des deux-tiers des Blackfeet sont déjà morts de maladie.

Les colons blancs, fermiers, éleveurs, prospecteurs commencent à affluer sur le territoire des Piegans au Montana, abattant massivement les bisons dont les Indiens dépendent totalement. Les guerriers s’emparent des chevaux et du bétail, tuent ou capturent les habitants des fermes isolées.

Comprenant qu’ils ne pourront jamais repousser ces Blancs nombreux et bien armés, des chefs piegans recherchent la négociation au prix de l’abandon d’une partie de leurs terres. En 1865, puis en 1868, ils cèdent leur territoire au sud du Missouri. Mais d’autres Piegans poursuivent la résistance. Les incidents se multiplient.

A l’automne 1869, une nouvelle épidémie touche les Piegans. Pour sauver les siens de la destruction, le chef Heavy Runner accepte de s’installer pacifiquement sur les rives de la Marias River, et au début de janvier 1870, il signe un accord de paix avec le général Alfred H. Sully.

Le massacre de Marias River (23 janvier 1870)

Mais l’armée cherche à venger la mort d’un Blanc tué par des guerriers de Mountain Chief et à récupérer plusieurs dizaines de chevaux et de mules de bât volés par les Indiens. Pressé par un mouvement d'opinion des habitants du Territoire du Montana qui poussent les autorités militaires à agir contre les Blackfeet, le général Philip H. Sheridan charge le colonel Eugene M. Baker de punir les Indiens. Il donne ses ordres : "Si la meilleure méthode pour protéger la vie et les biens des citoyens du Montana est de frapper la bande de Mountain Chief, je veux qu'on les attaque. Dites à Baker de frapper fort". Huit jours plus tard, Baker quitte Fort Shaw à la tête de six compagnies de cavalerie.

Dans la nuit du 23 janvier 1870, au milieu d’une neige épaisse et d'un froid polaire, l'éclaireur métis Joe Kipp conduit les soldats vers une boucle de la Marias River, où il sait trouver le camp de Mountain Chief. Au moment de passer à l'attaque, l'éclaireur s'aperçoit qu'il s'agit en réalité du camp du chef pacifiste Heavy Runner. Aussitôt, il avertit le colonel Baker. Le colonel qui s'est largement alcoolisé pendant la progression, répond : "Cela ne fait aucune différence que ce soit une bande ou une autre, ce sont tous des Piegans et nous allons les attaquer". Puis il donne ses ordres : "Restez calmes et visez pour tuer. N’épargnez personne".

Le village piegan abrite près de deux cents vingt personnes, surtout des vieillards, des femmes et des enfants. Les hommes sont partis chasser. La plupart de ceux qui sont restés sont atteints par une terrible épidémie de variole. C'est sur un village de malades et de mourants que les soldats se jettent sans avertissement. Ils mettent le feu aux tipis et massacrent sauvagement les habitants sans défense. Emmenant les chevaux, les soldats laissent derrière eux cent soixante-quinze morts dont quatre-vingt-dix femmes et cinquante-cinq enfants. Quarante-cinq personnes seulement réussiront à trouver refuge dans des villages indiens voisins.

La nation blackfeet ne se remettra jamais tout à fait de ce massacre odieux perpétré sur une population malade et sans défense, en violation du traité de paix. Les autorités militaires cherchèrent à cacher cet acte peu glorieux, mais le lieutenant William B. Pease, délégué aux Affaires Indiennes révéla l’affaire dans un rapport au commissaire aux Affaires Indiennes Ely S. Parker qui ordonna une enquête.

Quatre ans après le massacre de Marias River, le gouvernement s’empare, sans aucune négociation, de toutes les terres blackfeet situées au sud de la Marias River. Les colons affluent. Des bandes insaisissables de guerriers "hostiles" désespérés et n’ayant plus à perdre, font régner la terreur chez les colons. La maladie, la faim auront raison d’eux. Les Piegans doivent se soumettre et accepter de vivre dans la partie nord de leur territoire transformée en réserve.

En 1877, les Blackfeet canadiens, Blackfoot, Blood, Sarcees et une partie des Piegans signent le traité n° 7 avec le Canada. Ils cèdent vingt mille hectares de leur territoire du sud de l’Alberta et se retirent sur les réserves Piegan près de Fort Mc Leod, Blood près de Lethbridge et Blackfoot à l’est de Calgary. Les chefs bloods Crowfoot et Red Crow encouragent l’adaptation à la civilisation blanche. Durant la révolte des Métis du Saskatchewan, ils restent neutres, mais donnent asile aux combattants des Crees engagés aux côtés des Métis.

Des années difficiles

La disparition des bisons va porter un coup fatal aux Blackfeet. Durant l’hiver 1883-1884, six cents Piegans mourront de faim sur la réserve. Ils n’ont pu chasser et le ravitaillement promis par le gouvernement n’est pas arrivé. L’année suivante, les hommes tentent une expédition désespérée pour procurer à leurs familles la viande et les peaux dont ils ont besoin pour passer l’hiver. Dans les Sweetgrass Hills, ils ont la chance de rencontrer des bisons. Ce sera la dernière chasse au bison accomplie par des Indiens aux Etats-Unis.

En 1888, les Piegans sont contraints de vendre une partie de leurs terres pour pouvoir acheter de quoi survivre. Ils perdront encore des terres les années suivantes, en particulier la belle région des Sweetgrass Hills. En 1895, les paiements dus aux Piegans pour les ventes successives de leurs terres sont suspendus par le gouvernement et les Indiens sont menacés d’une intervention militaire s’ils n’acceptent pas une nouvelle cession. Il s’agit des montagnes situées à l’ouest de la réserve que les Blancs soupçonnent de contenir de l’or. Comme les chefs résistent, on leur présente l’opération comme une simple location. Pourtant l’accord de 1896 est enregistré par le Congrès comme une vente. Une partie des terres perdues par les Piegans en 1896 est incluse dans le parc national de Glacier créé en 1910. Le reste, géré par l’Office Fédéral des Forêts, est connu sous le nom de Badger-Two Medecine. Les Piegans y ont gardé des droits de chasse, de pêche et de cueillette qu’ils entendent continuer à exercer.

Aujourd'hui

En 1983, une compagnie dépose une demande d’autorisation pour des forages pétroliers en plein cœur de Badger-Two Medecine, une terre sacrée pour les Piegans et un site naturel protégé où vivent les derniers grizzly et où le loup vient d’être réintroduit. Les Blackfeet s‘y opposent vigoureusement. La menace d’exploitation pétrolière semble, pour l’instant, suspendue.

La réserve Blackfeet du Montana, dont la capitale est Browning, est située à l’est de Glacier National Park. Les Piegans y vivent d’un peu d’agriculture et d’élevage. Ils ont développé leur artisanat. Ils ont du accepter sur la réserve même, des forages pétroliers dont les revenus représentent une part importante de leurs ressoures financières. Les revenus provenant des forages pétroliers implantés sur la réserve apportent aux Indiens une part de leurs ressources. Depuis quelques années, les Piegans s’efforcent de promouvoir le tourisme sur leur belle réserve.

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